En intro
Après la dernière annonce présidentielle, la question des séniors au travail est à nouveau une question d’actualité brulante. Si l’âge de départ à la retraite doit être repoussé à 65 ans, dans quelles conditions et comment organiser le travail entre 45 et 65 ans ?
Selon une étude publiée en 2014[1], en France, le taux d’emploi des 55-59 ans est de 67% un chiffre supérieur à la moyenne européenne (63%), mais celui des 55-64 ans n’est que de 44,5%. La DARES précise que le taux d’emploi des 60-64 ans n’est que de 23,3%. Le rapport de l’OCDE souligne que 45 % des seniors connaissent une fin de leur carrière faite de chômage, souvent de longue durée.
[1] https://www.oecd.org/fr/presse/la-france-doit-aller-plus-loin-pour-promouvoir-un-emploi-de-qualite-aux-seniors.htm
Ces constats dénotent une profonde croyance de la part du milieu des entreprises sur les salariés de 45 ans et plus. Voici donc 5 a priori que je vais détricoter avec plaisir !
Il ne saura pas s’adapter aux méthodes de travail
Qu’est-ce que l’adaptation ? Si l’on prend une définition classique, l’adaptation est l’action permettant de se mettre en harmonie avec les circonstances ou le milieu. La croyance la plus répandue est que plus les gens avancent en âge et moins ils arrivent à s’adapter à un nouvel environnement. Mais qu’en est-il réellement ?
L’adaptation n’est pas une question d’âge
Les capacités d’adaptation à des situations nouvelles ont longtemps été considérées comme réservées aux jeunes. Peu à peu cette tendance tend à s’estomper pour faire place à l’idée de développement tout au long de la vie.
En ce sens, cela signifierait qu’à partir de 45 ans dans le monde de l’entreprise, il n’y a pas de régression des salariés mais une période d’évolution avec des processus et des caractéristiques spécifiques. En soi, ce serait donc à l’entreprise de proposer une adaptation différente et réalisable pour conserver et fidéliser ces salariés.
De plus, si vous posez la question à cette tranche d’âge, ils seront prompts à vous répondre qu’ils se sentent encore jeunes. Cela provoque un biais d’âge qui aboutit à ce que les personnes se comportent comme si elles étaient plus jeunes effectivement.[1] Introduction de l’article « Les prédicteurs de l’adaptation chez l’adulte âgé » revue L’année psychologique 2005
L’accompagnement et la formation comme levier de motivation
Dans l’entreprise, en prenant en compte ces informations, il sera donc plus simple de prévoir un programme de formation orienté vers cette catégorie de salariés.
Il est aujourd’hui reconnu que la formation est un puissant levier d’engagement des salariés et de motivation tout au long de la carrière. Dans ce cadre et en accord avec les orientations stratégiques de l’entreprise, il sera intéressant de spécialiser une personne qui a déjà une longue expérience et qui saura faire le parallèle entre le théorique et le pratique.
Former permet d’ajouter des compétences et de valoriser le salarié bénéficiaire dans tous les cas. Or dans le cas des salariés « séniors », cela peut donner une nouvelle impulsion quant à son poste de travail.
D’où l’importance de continuer à programmer les entretiens annuels et les entretiens professionnels pour accompagner les salariés « séniors » qui peuvent parfois, comme les autres si ce n’est plus, se demander à quoi servent tous ces entretiens.
L’accompagnement, sur la redéfinition ou la transformation du poste de travail grâce à ces entretiens et à la formation, est primordial.
Nous voici donc pas si certains qu’un sénior ne saura pas s’adapter aux évolutions de son poste ou de son environnement de travail…
Un autre a priori ?
Il n’aura rien en commun avec l’équipe
Votre équipe a plutôt la trentaine… Combien de fois n’avons-nous pas (tous) entendu qu’un sénior ne saurait pas s’intégrer dans une équipe plus jeune ? Un nombre incalculable de fois. Mais est-ce vraiment la réalité ?
S’enrichir par les différences
Il existe depuis environ 30 ans de nombreuses méthodes d’apprentissage par les pairs (comme le codéveloppement) qui permettent de dire que c’est dans l’échange des pratiques professionnelles que nous apprenons le plus.
Ces expériences acquises par le sénior ne peuvent-elles pas faire progresser l’ensemble de l’équipe ? Bien sûr, il ne s’agit pas de confier l’animation de ces temps d’échanges à la personne qui partage ses expériences. Il s’agit de faire en sorte que les membres de cette même équipe puissent se retrouver sur des sujets comme des problématiques ou des projets non aboutis.
C’est donc par sa différence par rapport à l’équipe que le sénior pourra s’intégrer et partager ses réflexions. D’autant qu’un sénior ayant vécu plus de stress (puisqu’ayant vécu plus longtemps) aura mis en œuvre plus de stratégies pour contrer ces états de stress. Il apportera donc également tout son savoir être à l’équipe. l’entreprise et de fidélisation des salariés déjà embauchés.
Un bon point pour l’équilibre d’une équipe
L’équilibre d’une équipe ne se cantonne pas à l’homogénéité de ses âges mais plutôt à l’écoute et au respect les uns des autres. Différentes personnalités doivent exister au sein d’une équipe pour une bonne répartition des rôles et des missions.
L’âge n’a que peu d’importance dans cette répartition. L’expérience est importante. Mais le plus important est de pouvoir concilier des personnalités qui vont se compléter et être performantes ensemble.
Un sénior aura acquis suffisamment d’expérience, côtoyé assez de personnes différentes pour savoir comment agir en fonction des personnalités de chaque membre de l’équipe. C’est pourquoi il ou elle devient un atout dans une équipe, quelle que soit sa moyenne d’âge.
Passons au 3ème a priori !
Il sera trop exigeant en matière salariale
Notre sénior a beaucoup d’expérience, nous n’avons de cesse de le répéter. Qui dit expérience dit également salaire élevé, en tout cas plus élevé qu’un débutant…
Les compétences se paient
Après tout, les expériences que les séniors amènent avec eux sont également source de richesse et même de valeur ajoutée dans l’entreprise.
Il a déjà un carnet d’adresse plus important qu’un débutant, même s’il n’a pas son agilité sur les N.T.I.C. !
Il a également connaissance de tous les codes de la profession. Effectivement, chaque milieu professionnel possède des codes, que cela concerne la production, les process ou les us et coutumes en matière de rendez-vous.
Ces savoir-faire et savoir être permettent parfois à certains séniors d’être reconnus comme des experts dans leur domaine. Et si cette expertise est essentielle dans votre développement, verser un salaire un peu plus conséquent ne sera plus un obstacle.
L’important est de mettre en perspective ce que le sénior amène à l’entreprise avec ce que l’entreprise peut amener au sénior. D’ailleurs, il arrive que certains séniors ne souhaitent pas tant gagner toujours plus d’argent, mais plutôt avoir du temps.
La répartition du temps de travail se négocie
Vous n’avez pas besoin d’un expert en permanence dans votre entreprise. Par contre, vous avez besoin de certaines compétences et de savoir être régulièrement.
Si un expert peut coûter cher, qu’il soit consultant ou usineur sur une machine perfectionnée, c’est qu’il est source de valeur ajoutée pour l’entreprise.
Le levier pour attirer ou fidéliser les salariés de nos jours ne se base plus uniquement sur le salaire. Il peut également s’agir de donner du temps et de proposer, par exemple, un temps partiel choisi.
Ce genre de proposition permet de réduire certains coûts tout en ayant une expertise au sein de l’entreprise. C’est donc une question à se poser et à réfléchir de façon stratégique. Le temps se négocie.
Les séniors n’ont en général plus à prouver leurs compétences professionnelles. Ils souhaitent continuer à faire ce qu’ils savent bien, voire très bien, faire.
Mais ils veulent également profiter de leur temps, de leurs loisirs et de leur famille. Ce qui commence à se négocier, et continuera dans l’avenir, c’est le temps, denrée finalement de plus en plus rare de nos jours.
Et comme le salaire est proportionnel au temps de travail – en général -, vous pouvez ainsi essayer de combiner l’expertise d’un sénior en ayant un impact moindre sur les charges de l’entreprise.
Quel est l’a priori n° 4 ?
Il ne partagera pas ses savoir-faire
Comme énoncé ci-avant, les séniors ont une longue expérience, si ce n’est du monde du travail, ils ont celle de la vie. Ils savent également que leur rôle est important pour que certains savoirs se perpétuent.
Le rôle de transmission
Les séniors ont beaucoup de connaissances métier mais aussi transversales acquises par leur parcours, par les embûches, voire les épreuves qu’ils ont traversées. Transmettre toutes ces expériences leur donne l’occasion de se rendre compte à quel point ils sont un maillon de l’amélioration des connaissances et des processus dans le monde de l’entreprise.
Penser la transmission des compétences est une stratégie gagnante dans l’entreprise. D’une part, cela permet de conserver des connaissances et savoir-faire parfois clés en interne et d’autre part, cela crée une dynamique intéressante entre les salariés qui s’entraident et se sentent utiles dans leur poste.
Nous avons de nombreux exemples de perte de savoirs, notamment suite à la désindustrialisation de certains territoires. Aujourd’hui, lorsque certains jeunes cherchent à renouveler des métiers artisanaux, ils se retrouvent à recréer tout un métier avec des savoir-faire « disparus ».
L’effort de transmission est un atout supplémentaire dans la performance des entreprises qui l’anticipent et le font vivre. La place des séniors dans ce contexte est primordiale
Au-delà de la transmission, c’est également par la reconnaissance d’une expertise que les séniors dans les entreprises sont et restent précieux.
L’expert avant le sénior
La notion d’expertise recouvre plusieurs idées. Il y a d’abord celle d’expérience, de pratique d’un métier qui permet d’avoir un avis objectif et professionnel dans le domaine exercé. Il y a ensuite l’idée de reconnaissance par les pairs : dans le secteur d’activité l’expert est une référence.
En effet, certaines compétences sont rares et critiques pour l’entreprise. Certains milieux se sont rendus compte de l’expertise de leurs séniors une fois qu’ils étaient partis. La perte des expertises, que ce soit dans le monde artisanal ou dans le monde industriel, devient alors un problème stratégique.
Il arrive d’ailleurs que certains séniors partis reviennent, soit en cumul emploi retraite, soit sous une autre forme que celle du salariat, tellement leur expertise est nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise.
Tous les séniors ne sont pas des experts, me direz-vous. Et pourtant, leur maîtrise des sujets sur lesquels ils travaillent, la finesse de perception qu’ils ont acquise font d’eux des experts, quelque soient les domaines.
Il serait donc important de réfléchir à la transmission de ces expertises mais aussi à l’organisation de la transmission de ces savoir. Donner du temps pour, petit à petit, passer le relai, valoriser ces expertises et les développer sont des atouts pour les entreprises qui agissent sur ces points.
D’autant qu’une expertise indispensable que vous ne trouvez pas en interne, vous irez la chercher en externe, ce qui génèrera des coûts supplémentaires.
Dernier a priori…
Il sera moins productif
Un sénior serait plus lent à comprendre, moins habile dans les N.T.I.C., moins agile…donc moins productif.
Qu’entend-on par productivité ?
Le dictionnaire nous apprend que la productivité se rapporte à ce qui est rentable, ce qui produit quelque chose, ce qui est lucratif.
Cet a priori induit que les séniors au travail seraient moins rentables que d’autres salariés. Cette vision est celle des rendements immédiats et des prévisions à court termes.
En effet, il est avantageux, au départ d’embaucher un salarié qui débute car il sera moins payé qu’un salarié avec de l’expérience, quel que soit le secteur d’activité. Embaucher un sénior peut représenter un coût certain du fait de la nécessaire valorisation de son expertise.
Lorsque nous comparons l’embauche d’un débutant et celle d’un sénior, nous ne nous projetons pas dans le temps. Et surtout, nous n’évaluons pas les coûts de formation, d’expérimentation et de rattrapage des erreurs que pourra faire, parfois, une jeune recrue.
Les critères de productivité utilisés dans le monde de l’entreprise sont des critères de l’immédiateté, ils ne tiennent pas compte du temps que vous n’aurez pas à « dépenser » auprès d’un sénior qui aura acquis les codes, les savoir et les savoir-faire depuis longtemps.
Toute l’expérience d’un sénior sera au service de l’entreprise, lui fera gagner un temps précieux dans ses contacts, ses méthodes de travail et le relationnel avec les parties prenantes.
Un sénior a acquis des réflexes !
Des réflexes qui font gagner du temps
Comme le dit l’adage, le temps c’est de l’argent ! Et bien grâce à ses réflexes, un salarié sénior sera en capacité de gagner du temps et d’éviter des impairs.
Certes ces bénéfices ne sont pas visibles immédiatement mais si vous vous en rendez compte c’est que le salarié sénior n’est plus dans votre entreprise…
Il s’agit d’une partie de ce qu’on appelle les coûts cachés. Ce sont des coûts qui ne sont pas évalués car peu quantifiables sur le moment.
Leur étude nécessite de se poser et de prendre le temps de cartographier les compétences des uns et des autres pour voir les petites tâches que personne ne voit plus et que le sénior exécute par réflexe. Ce temps de recul permet de chiffrer et de se rendre compte que les critères actuels de productivité ne sont peut-être pas ceux qui sont les plus efficaces.
Conclusion ?
Et bien, gardez vos séniors, pensez la flexibilité de leur poste dans votre entreprise -si possible- et organisez la transmission des savoir.
Pour toutes ces questions, je me tiens à votre disposition pour vous accompagner !
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